Managers face au harcèlement moral : l'inaction n'est plus une option
En matière de harcèlement moral au travail, les managers continuent trop souvent à jouer les équilibristes : minimiser, temporiser, espérer que « ça va se tasser ». En 2025, cette posture n'est plus seulement lâche ; elle est dangereuse, juridiquement et humainement. Il est temps d'outiller vraiment l'encadrement.
Harcèlement moral : le décalage abyssal entre la loi et le terrain
Le Code du travail et la jurisprudence ont considérablement durci le cadre : l'employeur a une obligation de prévention et peut être condamné même s'il « découvre » tardivement les faits. La loi est claire, les guides institutionnels aussi, à commencer par ceux de travail-emploi.gouv.fr.
Mais dans les couloirs, on entend encore : « C'est un conflit de personnalité », « Il exagère », « Elle est trop sensible ». La vieille culture du « débrouillez‑vous entre adultes » résiste, surtout là où les managers n'ont jamais été formés sérieusement aux risques psychosociaux.
Le rôle spécifique du manager : ni DRH, ni psychologue… mais pas spectateur
Le manager n'est ni enquêteur professionnel, ni thérapeute. Le problème, c'est que beaucoup en profitent pour se retrancher derrière cette limite, et ne rien faire. C'est raté : son rôle est précisément de :
- Faire remonter sans délai les signaux de harcèlement présumés.
- Protéger les personnes exposées, même en l'absence de « certitudes ».
- Adapter l'organisation, au moins temporairement.
Dans notre expérience de formation en risques psychosociaux et qualité de vie au travail, c'est souvent sur ce point que le bât blesse : le manager se croit tenu d'apporter une preuve avant d'alerter. C'est faux. Il doit signaler, documenter, proposer des mesures conservatoires… même s'il doute encore.
Comment le harcèlement moral s'installe sous couvert de performance
La plupart des dossiers de harcèlement moral sérieux ne ressemblent pas à un film caricatural où un manager hurle sur ses équipes. C'est plus subtil, plus insidieux, souvent maquillé en exigence de résultats.
Des signaux faibles que les managers choisissent de ne pas voir
- Remarques dévalorisantes répétées, mais toujours « sur le ton de l'humour ».
- Isolement d'un collaborateur : mis à l'écart des réunions, des mails, des briefings.
- Retrait progressif de missions sans justification, ou surcharge ciblée pour « pousser à la faute ».
- Demandes impossibles (délais intenables, objectifs irréalistes) réservées à une même personne.
Ces situations, quand elles sont répétées, peuvent constituer un harcèlement moral, même si l'auteur se drape dans la bannière de la performance ou de la franchise. C'est précisément ce que nos modules « Prévenir efficacement le harcèlement moral – version Managers » décortiquent, exemples concrets à l'appui.
Arrêtons de culpabiliser les victimes
Un biais toxique persiste dans beaucoup d'équipes : la première réaction, lorsqu'une personne évoque un ressenti de harcèlement, consiste à lui renvoyer sa prétendue fragilité. « Tu prends tout personnellement », « Tu dois apprendre à encaisser ». Au nom de la culture du « mental d'acier », on piétine allègrement le droit.
Or, à ce stade, l'enjeu n'est pas de savoir si les faits seront juridiquement qualifiés de harcèlement moral. Il est de :
- Stopper une souffrance qui, de toute façon, dégrade gravement la santé.
- Empêcher un climat délétère de contaminer toute une équipe.
- Protéger l'employeur d'une situation qui pourrait exploser en contentieux.
Un manager formé aux mécanismes du stress et à la prévention de la violence au travail ne répond pas « tu es trop sensible » à un salarié en détresse. Il enquête prudemment, propose un temps d'écoute, alerte sa hiérarchie.
Les trois erreurs fatales des managers face au harcèlement moral
Sur le terrain, on retrouve toujours la même trilogie d'erreurs. Elle est si récurrente qu'elle en devient presque un cas d'école.
1. Vouloir « gérer ça en direct » sans tiers
Le manager confronte immédiatement l'auteur présumé : « Untel m'a parlé de toi, tu l'aurais harcelé ? » Résultat prévisible : déni frontal, contre‑attaque (« C'est lui qui pose problème »), polarisation de l'équipe. L'effet de sidération sur la personne qui a parlé est souvent définitif : plus jamais elle ne fera confiance.
2. S'abriter derrière le CSE ou les RH… tout en ne faisant rien
Autre travers : renvoyer systématiquement vers les RH ou les représentants du personnel, sans prendre sa part de responsabilité opérationnelle. « Tu peux en parler au CSE si tu veux. » C'est une fuite. Le manager reste un acteur clé : il voit l'équipe au quotidien, peut amender l'organisation, redistribuer les rôles, poser des limites claires.
3. Confondre faits et jugements… et tout mélanger
Sans formation, il est très difficile de distinguer faits objectivables et ressentis, d'écouter sans prendre parti trop tôt, de consigner sans tomber dans la rumeur. Les formations dédiées aux managers sur le harcèlement moral insistent justement sur ces outils simples : grilles de questions, reformulation, rédaction de notes factuelles.
Construire un réflexe d'action plutôt qu'un réflexe de défense
Le vrai basculement culturel, dans une entreprise, se voit lorsqu'un manager ne se demande plus « Comment me protéger ? », mais « Qu'est‑ce que je peux faire, là, maintenant, dans mon périmètre, pour limiter le risque ? ».
Des gestes concrets à la portée de tout manager
- Mettre rapidement en place des mesures conservatoires : changement de binôme, retrait temporaire d'un reporting direct, supervision renforcée.
- Proposer à la personne qui se dit victime un rendez‑vous formalisé, dans un lieu neutre, avec un temps suffisant.
- Notifier par écrit (mail factuel) les éléments recueillis à sa hiérarchie ou au référent harcèlement.
- Rappeler en réunion d'équipe les règles de base de respect, sans désigner de coupable, mais en posant une ligne rouge.
Ces actions ne remplacent pas une enquête formelle, mais elles envoient un message clair : l'encadrement n'est pas complice par passivité.
Cas réel : quand un manager a refusé de fermer les yeux
Dans une PME de services en région parisienne, une collaboratrice évoque, en entretien individuel, un climat de dénigrement permanent avec son supérieur direct. Le manager n'est pas sûr de tout comprendre, mais quelque chose le choque. Plutôt que d'attendre, il :
- Planifie rapidement un second entretien, cette fois avec la RH présente.
- Documente les exemples cités, en distinguant faits, ressentis, témoins potentiels.
- Demande à sa direction de mettre en pause certains projets qui les obligeaient à travailler en binôme serré.
- Propose une supervision managériale temporaire.
Une enquête interne est ensuite ouverte, des actions de formation sont décidées, et le manager incriminé est recadré puis accompagné. L'affaire ne se terminera pas au prud'hommes. Pourquoi ? Parce qu'un premier manager a fait son travail, sans héroïsme, mais sans lâcheté.
Former les managers : pas un luxe, une mesure de survie
On entend encore : « On n'a pas de budget pour former tous les managers sur le harcèlement moral. » Question naïve : combien coûtera un dossier prud'homal médiatisé, une expertise CHSCT, une vague de départs ou un burn‑out grave ? Sans compter l'impact réputationnel dans un monde où les témoignages s'échangent en quelques secondes.
Pourtant, le marché regorge d'outils accessibles :
- Des modules e‑learning ciblés, comme prévenir efficacement le harcèlement moral – version managers.
- Des formations en présentiel combinant apports juridiques, jeux de rôle, analyses de cas.
- Des compléments utiles sur le stress au travail, la gestion du stress et les conduites addictives.
Ce qui manque le plus, ce n'est pas l'offre. C'est le courage politique de dire : « Oui, nous allons prendre 2 jours dans l'année pour que chaque manager arrête d'improviser sur des sujets aussi inflammables. »
Articuler prévention du harcèlement et qualité de vie au travail
Prévenir le harcèlement moral ne se réduit pas à traiter les cas extrêmes. C'est aussi travailler sur la culture managériale du quotidien :
- Clarté des objectifs, feedback régulier, droit à l'erreur encadré.
- Équilibre vie professionnelle/vie personnelle, télétravail raisonnable, lutte contre les débordements permanents.
- Formation à la communication non violente, à la gestion des conflits, comme le propose la formation en gestion de conflits – communication adaptée.
Les entreprises qui investissent sérieusement ces sujets voient souvent les bénéfices dépasser largement la seule réduction des risques juridiques : meilleure rétention, climat plus apaisé, créativité renforcée. On n'a jamais vu une équipe terrorisée produire durablement un travail de qualité.
Pour les managers, une question simple : que voulez‑vous laisser comme trace ?
Dans dix ans, vos collaborateurs ne se souviendront ni des slides, ni des tableaux de bord. Ils se souviendront de la manière dont vous avez réagi quand l'un d'entre eux a vacillé. Avez‑vous fermé les yeux, par peur de faire des vagues, ou avez‑vous pris le risque d'agir, quitte à déranger ?
Si vous voulez sortir du pilotage au doigt mouillé, commencez par structurer un parcours de formation sur les risques psychosociaux pour vos managers, en vous appuyant sur des modules e‑learning et sur des sessions en présentiel exigeantes. C'est là que se joue, très concrètement, la crédibilité de votre discours sur la « qualité de vie au travail ».