Préparer votre plan neige‑verglas en entreprise avant l'hiver

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Chaque épisode de neige et verglas en France déclenche le même spectacle : trottoirs impraticables, parkings transformés en patinoire, livraisons bloquées, salariés blessés en chute de plain‑pied. Pourtant, rares sont les entreprises qui possèdent un plan hiver digne de ce nom. En élaborer un, sérieusement, change tout.

Hiver 2025‑2026 : pourquoi vous ne pouvez plus jouer la surprise

Les épisodes neigeux ne sont pas quotidiens en Île‑de‑France, mais ils ne sont plus « exceptionnels » depuis longtemps. Météo‑France publie désormais des bulletins détaillés, les préfectures rappellent les obligations de déneigement des abords… et malgré cela, chaque vague de froid voit son lot de salariés plâtrés pour une cheville cassée.

Dans beaucoup de structures, la gestion se résume à deux sacs de sel oubliés au fond d'un local technique, sans responsable désigné ni procédures. À l'échelle d'un immeuble de bureaux ou d'un site logistique, c'est irresponsable.

Les risques concrets : plus que des glissades « sans gravité »

Une chute de plain‑pied sur sol gelé, c'est rarement une simple anecdote. Les statistiques des troubles musculo‑squelettiques en témoignent : entorses, fractures, arrêts de travail prolongés. L'INRS rappelle que les chutes de plain‑pied représentent une part massive des accidents du travail déclarés.

Les principaux points noirs en entreprise

  • Parkings et rampes d'accès véhicules, parfois en pente importante.
  • Escaliers extérieurs métalliques, véritables pièges dès que le givre s'installe.
  • Zones de livraison où circulent piétons, chariots et engins (CACES).
  • Abords des issues de secours, déneigés en dernier – quand ils le sont.

À cela s'ajoutent les risques routiers pour les salariés itinérants, même si un programme de prévention du risque routier bien pensé peut limiter la casse (adaptation des tournées, télétravail, consignes de conduite sur chaussées glissantes, etc.).

Un plan neige‑verglas, ce n'est pas « mettre du sel quand il fait froid »

Un vrai plan hiver ressemble davantage à une organisation de crise allégée qu'à un réflexe improvisé. Il s'anticipe dès l'automne et s'intègre à votre démarche globale de management de la sécurité.

1. Cartographier précisément vos zones à risque

Commencez par une visite de site, un plan à la main :

  • Identifiez toutes les circulations extérieures piétons (du parking à l'accueil, zones fumeurs, cheminements vers les ateliers).
  • Repérez les pentes, les zones d'ombre qui restent gelées plus longtemps, les grilles et surfaces métalliques.
  • Incluez les cheminements d'évacuation incendie qui doivent rester praticables.

Sur un site industriel en grande couronne parisienne que nous avons accompagné, cette simple étape a révélé un « point noir » : une rampe secondaire utilisée par les livreurs, jamais salée, pourtant empruntée quotidiennement par les piétons pour contourner un portail souvent fermé.

2. Définir qui fait quoi et quand

Le grand échec des plans neige, ce sont les responsabilités floues. Un plan efficace doit préciser, noir sur blanc :

  1. Qui surveille les alertes Météo‑France et déclenche le plan (souvent le service HSE ou la direction de site).
  2. Qui épand le sel ou les produits de déverglaçage, et sur quelles zones prioritaires.
  3. Qui contrôle l'état des accès au fil de la journée (réévaluation toutes les 2 à 3 heures en cas de neige continue).
  4. Qui a l'autorité pour fermer temporairement une zone devenue dangereuse.

Évidemment, on ne demande pas à un salarié isolé de parcourir 8000 m² de voirie avec une pelle. On anticipe aussi les moyens matériels.

3. Matériel, stock et budget : arrêter l'improvisation

Dans un plan hiver sérieux, on ne découvre pas le 15 janvier que le stock de sel est périmé ou inexistant. Votre plan doit intégrer :

  • Un stock dimensionné (sel, granulats, pelles, épandeur manuel ou tracté selon la surface).
  • Des équipements de protection individuelle adaptés pour les équipes d'entretien (gants, chaussures antidérapantes, vêtements chaud mais compatibles avec la sécurité électrique ou incendie si nécessaire).
  • Un budget annuel dédié, intégré à la prévention des risques, pas à la rubrique « divers ».

Pour les sites complexes ou multi‑niveaux, certains choisissent des revêtements spécifiques antidérapants dès la conception. Mieux vaut investir une fois qu'indemniser des accidents en série.

Informer les salariés sans créer de panique permanente

Un plan neige‑verglas n'a de sens que si les équipes savent :

  • Qu'il existe.
  • Ce qu'on attend d'elles.
  • Quelles limitations de déplacement peuvent être décidées.

Communiquer de façon claire et adulte

Les messages internes doivent expliquer, simplement :

  • Les cheminements à privilégier en cas de verglas (avec plans si besoin).
  • Les consignes de circulation dans les parkings (vitesse, sens de circulation, port de chaussures adaptées).
  • Les modalités d'organisation du travail : télétravail possible, décalage d'horaires, annulation de déplacements non essentiels.

On peut s'appuyer sur de courts modules de serious game sur les chutes de plain‑pied ou de micro‑learning, pour rendre le message plus vivant que la nième note de service.

Le télétravail, faux alibi ou vrai levier de prévention ?

Depuis la crise sanitaire, beaucoup de directions se rassurent : « En cas de neige, nos collaborateurs travailleront de chez eux. » C'est partiellement vrai, mais dangereux si cela sert de prétexte pour négliger les circulations physiques qui restent indispensables (maintenance, sécurité, accueil, logistique, etc.).

L'Assurance Maladie - Risques professionnels rappelle d'ailleurs que les accidents survenus lors de trajets domicile‑travail restent des accidents de trajet, donc potentiellement indemnisables. Un plan hiver sérieux intègre donc :

  • Des critères déclenchant le télétravail recommandé ou obligatoire pour certaines fonctions.
  • Une réorganisation des tournées des commerciaux et techniciens itinérants, en lien avec les modules de conduite durable en sécurité.
  • Des consignes claires sur le report des visites non urgentes, notamment en zones rurales difficiles d'accès.

Un angle souvent oublié : les sous‑traitants et visiteurs

Beaucoup de directeurs de site découvrent après coup que la victime d'une lourde chute de plain‑pied n'est pas l'un de leurs salariés, mais un sous‑traitant, un intérimaire ou un visiteur. Juridiquement et humainement, cela ne change rien : la responsabilité de la sécurité sur site reste largement la vôtre.

Votre plan neige‑verglas doit donc inclure :

  • Une information visible dès l'accueil (pictogrammes, fléchage des cheminements sécurisés).
  • Des clauses claires dans les plans de prévention et protocoles de sécurité pour les entreprises extérieures.
  • Une coordination avec votre dispositif plan de prévention.

Story d'hiver : deux entreprises, deux hivers, deux bilans

Dans une zone d'activités de Seine‑et‑Marne, deux PME voisines vivent le même épisode neigeux. Chez la première, aucun plan, un parking mal déneigé, un escalier extérieur transformé en piste noire. Résultat : trois accidents du travail en une matinée, dont une fracture du poignet avec arrêt d'un mois.

Dans l'autre, un plan hiver avait été construit avec une consultante sécurité : zones prioritaires salées avant 7h, itinéraires piétons balisés, consignes envoyées la veille au soir, organisation de télétravail pour les fonctions non critiques. Bilan : quelques retards, mais aucun accident déclaré.

La différence ne tient pas à la météo, ni au hasard. Elle tient à une décision de direction : considérer la neige comme un risque prévisible, donc gérable, et non comme une fatalité.

Articuler plan hiver et culture de prévention globale

Le plus intéressant, c'est que travailler sur votre plan neige‑verglas est une porte d'entrée concrète vers une culture de prévention plus mature :

  • Vous renforcez la cohérence de vos démarches conditions de circulation et gestes et postures.
  • Vous montrez que la direction prend au sérieux des risques concrets, vécus, et pas seulement des obligations abstraites.
  • Vous créez un terrain favorable pour aborder d'autres sujets sensibles, comme les risques psychosociaux ou le risque routier.

Passer à l'action avant les premiers flocons

Neige et verglas reviendront. La question n'est pas « si », mais « quand » et avec quelle intensité. Vous pouvez attendre le prochain épisode pour réagir dans l'urgence, ou profiter des mois qui viennent pour structurer un plan hiver digne de ce nom, adapté à vos sites, vos métiers, vos contraintes.

Pour aller plus loin, commencez par revisiter vos dispositifs de sécurité générale et vos formations en santé physique et postures. C'est souvent là que se niche, discrètement, la marge de manœuvre qui évite qu'un simple flocon ne se transforme en véritable catastrophe sociale et financière.

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